Sélections
La programmation envoûtante du Jazz au Peuple de Prangins en 3 pépites
Voilà quatre ans que le petit village de Prangins met les deux pieds en automne, au rythme des saxos et pianos helvétiques. C’est sous les accords de la musique de la belle époque que le festival Jazz au Peuple est de retour ce week-end, 7 et 8 septembre.
Six groupes et artistes sont attendus, ce vendredi et samedi, afin de rendre accessible le style. Les concerts, gratuits, seront tous proposés dans un cadre intimiste, au cœur de la commune vaudoise. Sélection de nos trois coups de cœur de cette édition.
Nik Bärtsch’s Mobile
7 septembre – 20h30
Temple de Prangins
Nik Bärtsch’s Mobile, c’est avant tout un quatuor zurichois constitué au début des années 2000. Accompagné de deux percussionnistes et d’un clarinettiste, Bärtsch, le pianiste, expérimente des fractions musicales indépendantes et combinables qu’il baptise « Modul ».
Sur les planches, aménagées en « laboratoire zen » pour l’occasion, jeux de lumière et scénographie pointue viendront accompagner l’ensemble alémanique. Profond appel à l’introspection.
Manuel Troller solo
7 septembre – 22h00
Vieux Pressoir
Au croisement de l’ambient et de la folk se trouve un certain Manuel Troller. Musicien pour Sophie Hunger, Stephan Eicher ou Nik Bärtsch (encore lui), en solo, le Lucernois de 32 ans cherche continuellement à repousser les limites de sa gratte.
Après avoir retourné le Jazz au Peuple de l’an passé avec son groupe Schnellertollermeier, Manuel Troller est de retour, seul cette fois, pour tenter de renouveler la prouesse. « Vanishing Points », son premier album solo, est attendu pour le 12 octobre prochain.
Susanne Abbuehl & Matthieu Michel
8 septembre – 20h30
Temple de Prangins
L’une est professeure à la Haute École de Musique de Lausanne, l’autre est son collègue. Mais lorsque sonne la cloche, Susanne Abbuehl et Matthieu Michel deviennent l’incarnation réelle de leurs enseignements. Quatuor, puis duo, c’est depuis 2009 que les artistes de renommée internationale écument les scènes.
De leur musique, paisible, s’échappe parfois le lyrisme d’une voix en contre-haut. Et sur fond de trompette délicate s’émancipe finalement un alliage dense et brillant – en un mot : précieux.
Enfin, pour compléter sa programmation fouillée, le Jazz au Peuple organisera pour la première fois une table ronde sur la combinaison « musique et photographie ». La rencontre se tiendra le samedi 8 septembre, à 17h30, au Vieux Pressoir de Prangins. Ganesh Geymeier et Nicolas Masson, saxophonistes suisses, y interviendront notamment.
Infos et programme complet sur www.jazzaupeuple.ch.
Le 4e Jazz au Peuple se déroulera les 7 et 8 septembre 2018, à Prangins.
Playlist
Woodstock en 15 lives emblématiques
Il y a 50 ans, du 15 au 18 août 1969, Woodstock transportait 450 000 personnes sur la colline de Bethel, dans l’état de New York. Retour sur l’événement majeur de la culture hippie des années 1960, au travers de quinze lives enregistrés sur le festival.
Que de belles choses vécues sur les terres du vieux Max Yasgur, à la mi-août de l’an 1969. Malgré la boue, les overdoses, deux naissances, quatre fausses couches et de nombreux problèmes techniques et logistiques, l’Histoire retiendra un événement de la contre-culture sans pareil, fait «de flower power, de paix et de combats». «Trois jours sans voir un gratte-ciel ou un feu rouge», promet le festival. En masse, le fruit du baby boom se retrouve pour quatre jours et quatre nuits de débauches collectives.
Au milieu des promesses utopistes des organisateurs de l’événement culturel et contestataire, les concerts joués sur la colline de Bethel, devant 450 000 âmes estimées, procurent, encore aujourd’hui, cinquante ans plus tard, des sentiments de haute volée. Parmi les trente-deux artistes programmés : Joe Cocker, Jimi Hendrix, les Who, Ravi Shankar ou Santana.
Véritable accélérateur de carrière pour ces désormais pontes de l’industrie du disque, Woodstock a notamment offert des prestations improbables faisant, par exemple, se produire Richie Havens en remplacement du groupe Sweetwater, bloqué dans la circulation. Il donnera sept rappels et, après deux heures de concert, alors à court de chansons, le New-Yorkais improvise sur l’air gospel Motherless Child et Freedom deviendra l’un des hymnes du festival.
Quelques heures plus tard, alors enceinte de son fils, Gabriel Harris, Joan Baez, tout comme Ravi Shankar, Creedence Clearwater Revival et Joe Cocker, joue douze titres sous une pluie battante. Le lendemain, les rockeurs de Grateful Dead sont pénalisés par des problèmes techniques. Ils diront par la suite qu’il s’agit du «pire concert qu’ils n’aient jamais donné».
Sur quatre jours de festival, quelque 295 morceaux, dont l’emblématique réinterprétation de l’hymne national américain d’Hendrix ou le Ball and Chain fumant d’une prêtresse de la «soul psychédélique» nommée Janis Joplin, ont été joués devant le demi-million de spectateurs présent. Monument de l’anticapitalisme pacifiste, tant musical que sociétal, Woodstock n’en a pas fini de nous faire frémir.
Tracklist
- Richie Havens – Freedom
- Sweetwater – My Crystal Spider
- Sly and the Family Stone – (I Want To Take You) Higher
- Joan Baez – One Day at a Time
- Bert Sommer – Jennifer
- Tim Hardin – If I Were A Carpenter
- Santana – Soul Sacrifice
- Ravi Shankar – Evening Raga
- Arlo Guthrie – Coming Into Los Angeles
- The Who – My Generation
- Quill – Waitin’ For You
- Janis Joplin – Ball and Chain
- Canned Heat – A Change is Gonna Come
- Joe Cocker – Let’s Go Get Stoned
- Jimi Hendrix – The Star Spangled
Playlist en tête d’article.
Sélection musicale de Malick Touré-Reinhard.
Sélections
3 albums de Joan Baez avant son concert au Montreux Jazz
L’icône folk se produira mercredi à Montreux, avec sa tournée d’adieu. Notre journaliste vous a sélectionné trois de ses albums à (ré)écouter avant son concert.
À l’occasion de sa tournée d’adieu «Fare Thee Well Tour», Joan Baez sera de retour au Montreux Jazz Festival ce mercredi. Cinquante ans après son mythique concert à Woodstock, la reine de la folk viendra chanter ses plus belles «protest songs» sur la scène du Stravinsky. L’occasion de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur et d’écouter ou réécouter trois albums phares de cette icône des années 60 et 70.
«Joan Baez» (Vanguard), 1960
Le premier opus de la chanteuse américaine n’a pas rencontré un succès immédiat, pourtant cet album est bel et bien l’un des plus importants de la discographie de Joan Baez, et peut-être même de toute l’histoire de la musique. Enregistré en quelques jours dans la salle de bal d’un hôtel new-yorkais, ce premier disque est essentiellement composé de vielles folk songs et d’anciennes chansons populaires. Avec des titres comme Donna Donna, Henry Martin ou encore Little Moses, Joan Baez délivre une folk plus pure que jamais. Seules une guitare et sa voix suffisent à nous bouleverser tout au long d’un album définitivement incontournable.
«Where Are You Now My Son ?» (A&M), 1973
Bien que méconnu, «Where Are You Now My Son ?» est l’un des albums les plus aboutis de Joan Baez. La face A a été enregistrée à Nashville, tandis que la B, composée d’une seule chanson de plus de vingt minutes, a, elle, été enregistrée à Hanoi, en pleine guerre du Vietnam.
L’album s’ouvre sur Only Heaven Knows, une chanson originale de Joan Baez, puis enchaîne très vite sur Less Than Song de Hoyt Axton, un titre sublime rappelant les premières interprétations de l’Américaine dans les années 60, avec des arrangements bien plus fournis qu’à l’époque. Arrive tout de suite A Young Gypsy, un autre guitare-voix à la mélodie enivrante, qui donne envie d’être écouté en boucle, encore et encore.
Where Are You Now My Son ? n’est pas vraiment une chanson à part entière. Occupant l’intégralité de la face B, ce titre est un étrange collage de plusieurs séquence. Mélangeant le son du quotidien en temps de confrontations armée à des passages de chansons, cette pièce de vingt-deux minutes est l’une des œuvres contre la guerre d’Indochine les plus marquantes.
«Whistle Down the Wind» (Proper), 2018
Mars 2018, au moment d’entamer son ultime tournée, Joan Baez sort le magnifique «Whistle Down The Wind», son premier album depuis presque une décennie. Enregistré en un peu plus d’une semaine dans un studio hollywoodien, cet opus compte une dizaine de chansons, dont Be of Good Heart et I Wish The War Were All Over ; deux titres à écouter de toute urgence. Les arrangements sont eux d’une rare simplicité, dénués de toutes fioritures et si la voix n’est certes plus tout à fait aussi puissante qu’auparavant, le grain est lui encore plus bouleversant.
Joan Baez se produira à l’Auditorium Stravinski, dans le cadre du Montreux Jazz Festival, le 3 juillet 2019, à 20h00 – www.montreuxjazzfestival.com.