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Quand l’intelligence artificielle fait de l’Art

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Alors que j’observe les visages éclairés par la lueur de quelques guirlandes et bougies, une voix douce et assurée s’élève. La vibration se mêle au brouhaha des mortels et les conversations futiles s’évanouissent. La pureté de la mélodie s’est imposée, tranquillement. Les yeux sont rivés sur l’allée centrale du temple où est apparue la créature. Elle s’avance lentement, les spectateurs retiennent leur souffle. Le temps s’arrête, le voyage commence.

I.A. aie aie ?

C’est lors d’une fraîche soirée de septembre à Prangins que s’est déroulée l’expérience esthétique racontée. Celle-ci avait cependant débuté quelques jours auparavant, mon esprit obsédé par de nombreuses questions.

Tout commence à l’annonce d’un album musical dont l’instrumentation a été entièrement générée par une intelligence artificielle. À cette nouvelle, je m’interroge, un brin sceptique je l’avoue, sur les motivations du projet. Passion, buzz, argent, intérêt scientifique ? Afin d’assouvir ma curiosité, je m’ informe sur le sujet. Au fil de mes recherches, je découvre que la volonté de la chanteuse Taryn Southern ne semblait être que de nature expérimentale. Écoutant la fameuse chanson « Break free », je ne constate aucune différence notoire avec d’autres titres pop à succès du moment. En vérité, c’est en lisant une interview accordée par la chanteuse au magazine The Verge que je me raidis (sans mauvais jeu de mots).

« Pour les auteurs-compositeurs qui ne jouent pas d’instruments ou qui doivent travailler avec un collaborateur humain, il peut être tout à fait libérateur de le faire, parce que vous n’avez besoin d’aucune connaissance de l’instrumentation pour faire une excellente chanson – il vous suffit d’avoir une bonne oreille ».

Dans ses propos, Taryn nous explique qu’il peut être libérateur de s’affranchir de la collaboration humaine pour les individus souhaitant écrire et interpréter leurs propres textes sur une base musicale. Jusque-là, rien de très alarmant me direz-vous. Là où le bât blesse, c’est lorsque cette dernière énonce que, selon-elle, on n’aurait besoin d’aucune connaissance en instrumentation pour faire une grande chanson. Une bonne oreille suffirait. La mienne se met à siffler.

© Flickr

Mais qu’est-ce qu’une grande chanson ? Une foule de philosophes se sont penchés sur l’Art et le débat est toujours d’actualité. Entre point de vue sociologique, historique ou encore psychologique, le champ d’analyse est vaste.

À titre personnel, une intuition me souffle que la « belle » musique est le fruit d’un travail intime, d’une expression personnelle. Je me risquerais même à une pointe de sentimentalisme ; la musique n’est-elle pas celle qui s’échappe du cœur de l’un pour atteindre, sincèrement, celui de l’autre ? La question qui se rapporte donc à notre contexte est la suivante : que viendrait alors faire un cœur artificiel dans cette démarche ?

C’est ainsi que j’ai épluché le profil de Taryn Southern. En véritable professionnelle des nouveaux médias, celle-ci ne perd pas de vue les opportunités que lui offrent les nouvelles technologies. Actrice, blogueuse, youtubeuse, animatrice de télévision et chanteuse, la jeune femme de 31 ans a plusieurs cordes à son arc. Passionnée par les nouvelles technologies, c’est tout naturellement qu’elle s’est dirigée vers l’I.A. afin de créer son nouveau projet musical. Southern est donc une pile électrique qui se plait à explorer et créer du contenu à partir des moyens modernes. Sa musique n’est donc rien d’autre que son reflet, ses intérêts. Ne vous en déplaise, sa musique, c’est elle.

 

Une publication partagée par Taryn Southern (@tarynsouthern) le

Mais revenons à ce que cette expérience peut nous apprendre sur l’I.A. et l’Art. Désormais, il est donc possible de laisser l’artifice gérer la composition. Poussés à la paresse et à l’isolement, nous avons la possibilité de nous cantonner à l’établissement de quelques directives générales. L’algorithme se charge du reste. Résultat peu satisfaisant ? Il suffit de demander une autre version et la machine se presse de répondre à nos exigences. L’I.A., contrairement aux humains, ne rechigne pas.

Dans une société où nous avons accès à tout et n’importe quoi de manière quasi instantanée, ce mode de composition ne détonne pas. Mais où se trouve l’émotion, le travail, les ratures ? Est-ce là que réside la différence entre l’Artiste et l’amateur ?

C’est avec ces nombreuses questions concernant l’industrie musicale, l’Art et notre société en général que je me suis retrouvée au festival « Jazz au Peuple », le 16 septembre dernier.

Les réponses d’Elina Duni

Après deux éditions à succès, le festival Jazz au Peuple se déroulait à nouveau à Prangins. Voguant entre les scènes du Vieux Pressoir et du Temple de Prangins, le public s’est délecté d’artistes d’exception issus du monde du jazz helvétique. Au terme de chaque partage musical, le peuple gratifiait les artistes d’applaudissements bien mérités. En sortant de la salle, il faisait don de matière pécuniaire pour remercier et soutenir l’association. Il faut souligner que cette dernière, d’une sympathie et d’une générosité débordante, offrait gratuitement le festival à son public.

C’est dans ce contexte intimiste, sincère et bienveillant que j’ai découvert Elina Duni. Cette chanteuse a fait vibrer les cœurs du public du Temple. Nous emmenant dans son voyage, elle nous a non seulement fait profiter de sa voix, mais également de sa maîtrise instrumentale : guitare, piano et daf. L’artiste excelle par la technique, émeut par sa sincérité.

Elina Duni – © Blerta Kambo

Son fabuleux partage s’est terminé sur une allusion au Kintsugi. Nous y avons appris que ce terme japonais désigne l’art de restaurer un objet en céramique brisé. La dimension artistique réside dans l’utilisation d’une laque agrémentée de poudre d’or. Ainsi, l’objet se voit offert un souffle nouveau. Il devient unique, et ce, par ses fêlures.

J’entrevois dans cet art une réponse aux questions énoncées plus haut. Il me semble que L’Art se démarque par sa sincérité, par son travail, par l’expression de fêlures ou de joies. C’est L’Homme qui exprime son intérieur par la matière en se dérobant aux codes de conduite. L’.I.A., au stade où elle en est n’exprime rien, elle n’est que calculs. Laisserons-nous les algorithmes prendre le pas sur notre humanité ?

Je terminerai cette réflexion par une citation de ce grand artiste qu’était Monsieur Eugène Ionesco : « L’oeuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde ; mais elle est à l’image du monde ».


Pour aller plus loin :
  • Deliège, I., Ladinig, O. & Vitouch, O. (2010). Musique et évolution. Wavre, Belgique : Mardaga
  • Frith, S. (2008). Retour sur l’esthétique de la musique pop. Rue Descartes, 60, (2), 63-71. doi : 10.3917/rdes.060.0063
  • Vygotski, L. (2005). Psychologie de l’art. Paris : La Dispute
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Arts

Michael Jackson, contemporain jusque dans l’art

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Andy Warhol, Michael Jackson, 1984 – © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2018
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À l’occasion des dix ans de la disparition du roi de la pop, Slash vous propose de découvrir quelques artistes contemporains qui ont trouvé en Michael Jackson une source d’inspiration.

Peintres, photographes, vidéastes, plasticiens ou chorégraphes : ils sont tous, à leur façon, tombés sous le charme de Michael Jackson. Ils s’en sont inspiré, ont joué avec son image, ont représenté à travers leur regard le «roi de la pop». Slash vous propose de découvrir une sélection de ces 40 artistes que Jackson a marqué d’une façon ou d’une autre (et non, le célèbre Jeff Koons de Jackson avec son Bubbles n’en fait pas partie, il n’a pas été prêté par ses propriétaires).

Un Andy Warhol liminaire

Andy Warhol est le premier artiste à s’intéresser à la célébrité naissante de Michael Jackson. Andrew Warhola, de son vrai nom, l’appelle pour la première fois en 1982. Il est alors demandé à «Bambi» de poser pour la couverture du magazine influent Interview.

Les deux hommes se sont rencontrés en 1977, lorsque Warhol a interviewé le chanteur au sujet du film The Wiz, une adaptation de la comédie musicale Le Magicien d’Oz de Victor Fleming, dont Michael Jackson ou encore Diana Ross sont les acteurs principaux.

Andy Warhol, Michael Jackson, 1984. © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / Licensed by ADAGP, Paris 2018

Plus tard, l’artiste pop-art photographie Jackson au cours de nombreuses apparitions publiques. Parallèlement, il collectionnait également quantité d’objets liés au chanteur et le nom de ce dernier apparaît à plus de vingt reprises dans son journal, pour évoquer leurs rencontres, dans la plupart des cas.

Warhol fait une deuxième fois appel à Michael Jackson pour le numéro de mars 1984 du magazine Time. Il note alors dans son journal : «J’ai fini la couverture Michael Jackson. Je ne l’aimais pas mais les gamins au bureau, si. Puis les types de Time sont venus la voir, ils étaient quelque chose comme quarante». Cette commande donnera naissance à plusieurs portraits réalisés sur soie.

Michael, (in)saisissable

Imaginé par le jeune artiste londonien Appau Junior Boakye-Yiadom, le dispositif P.Y.T. (en référence au titre Pretty Young Thing) brille par sa sobriété. En équilibre sur leur pointe, les mocassins noirs évoquent instantanément le «freeze», pas de danse emblématique de Michael Jackson

Appau Junior Boakye-Yiadom, P.Y.T., 2009 – © Adagp, Paris 2018

Pour l’anecdote, les ballons qui composent et maintiennent l’œuvre sont remplacés régulièrement, faisant référence «aux efforts de celui qui cherche à entretenir l’image qu’attend de lui le public», explique l’artiste dans un communiqué de presse.

Interroger la négritude

Premier musicien noir à acquérir une célébrité internationale et à transcender les barrières, stéréotypes et préjugés, Jackson n’est pas exempté de contradictions. Basée sur des clichés du photographe américain Todd Gray, Exquise Terreur dans la Mangrove fait partie d’une série juxtaposant Michael Jackson à des clichés documentaires du Ghana, à des photographies de ses fans et à des images du cosmos.

Todd Gray, Exquise Terreur dans la Mangrove, 2014 Collection Aryn Drake-Lee Williams & Jesse Williams – © Todd Gray

Todd Gray commence à travailler avec Michael Jackson en 1974 et dient ensuite l’un de ses photographes attitrés entre 1979 et 1983. Les clichés réalisés à cette époque donnent à l’artiste un sujet de thèse pour son Master of Fine Arts à la fin des années 1980. Il y utilise l’image du chanteur, explique-t-il, «pour analyser l’impact du pouvoir post-colonial sur la construction des notions de race, de classe et de genre».

L’ange Michael

David LaChapelle, qui a débuté en travaillant avec Andy Warhol, rend hommage à Michael Jackson après sa disparition en 2009, en composant ce triptyque emprunté à l’iconographie religieuse.

De g. à d. : The Beatification: I’ll never let you part for you’re always in my heart; American Jesus: Hold me, carry me boldly; Archangel Michael: And no message could have been any clearer, 2009, Courtesy of the artist – © David LaChapelle

David LaChapelle dit vouloir montrer la figure angélique du chanteur, «le vrai Michael». Son but ? Faire contrepoids face aux accusations de pédocriminalité qui ont pesé sur Jackson à la fin de sa vie. «Nous avons choisi de le persécuter et de le crucifier» raconte David LaChapelle dans un communiqué.

Michel-Ange et le kitch

Impossible de faire main basse sur l’impressionnante toile de Kehinde Wiley, portrait équestre de Jackson, en Philippe II d’Espagne. Une commande du chanteur, terminée après sa mort et traduisant la passion de Jackson pour Michel-Ange et le kitch, référence littérale à une peinture de Rubens.

Kehinde Wiley Equestrian Portrait of King Philip II (Michael Jackson), 2010 – © Adagp, Paris 2018

Kitch toujours : lorsque l’album Dangerous sort en 1991, le visuel décliné sur les pochettes de disque et de vinyle, ainsi que sur différents supports de communication, se démarque par sa singularité. Il est le résultat d’une commande passée par le chanteur à l’artiste Mark Ryden. L’artiste y représente un masque, révélant uniquement le regard du chanteur, au milieu d’un foisonnement de symboles. Le masque, objet autant que symbole, tient une place importante au sein de l’oeuvre de Michael Jackson.

Mark Ryden « The King of Pop » (#135), 1991-2018 – © Adagp, Paris 2018


Sélection musicale de Malick Touré-Reinhard.

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Et si le Web mourrait demain ?

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© Lauren Huret
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À l’occasion des 30 ans du World Wide Web – créé au CERN en 1989 –, plus de 50 artistes et professionnels prendront part au 15e Mapping Festival, du 23 au 26 mai 2019, à Genève.

Il y a tout juste 30 ans, à Genève, naissait le World Wide Web (WWW). Trois décennies plus tard, la possibilité d’un effondrement de la Toile fait frémir.

«La fin d’Internet serait-elle pour bientôt ?», c’est la question que se sont posés les organisateurs du Mapping Festival. Depuis 2005, l’événement genevois se donne pour mission de favoriser les échanges et participer activement au développement du milieu des arts numériques. Ainsi, l’exposition ​The Dead Web – La fin viendra, au travers des arts, imaginer notre vie sans Internet.

Artistes suisses et québécois à l’honneur

Initialement composée de cinq artistes québécois, The Dead Web – La fin accueillera spécialement pour le Mapping Festival trois artistes suisses sélectionnés par le biais d’un appel à projets lancé début 2019. Les oeuvres présentées, qui plongeront le public dans un futur sans Internet, se veulent révélatrices de l’omniprésence du Web dans nos vies quotidiennes. Vernie le jeudi 23 mai, l’exposition s’étendra jusqu’au 2 juin, au Commun.

“Membranes”, portées par Lukas Truniger et Nicola Hein, est une installation performative qui transforme texte écrit en percussion lumineuse – DR

La créativité numérique à son apogée

Lors de ce vernissage, le DJ genevois Estebahn proposera un set entre downtempo, jungle et électro. Le week-end suivant, la Fonderie Kugler se transformera en laboratoire audio-visuel. Le vendredi 24, la performance délirante de Freeka Tet sera suivie du collectif russe Tundra, qui présentera sa toute dernière création, ​« ​Nomad ​»​, combinant vidéo et laser. La soirée se clôturera en beauté avec un DJ set du suisse Acid Kunt. Le samedi, ce sont Grand River & Marco C qui lanceront les festivités avec leur projet ​« ​0,13% ​»​, voyage poétique entre humain et nature. La scène sera ensuite foulée par le duo Recent Arts (Tobias. et Valentina Berthelon) accompagné de Barbie Williams, avec ​« ​Skin ​»​, concert audiovisuel expérimental. La soirée terminera avec la DJ genevoise Audrey Danza.

Web célébré, Web interrogé

Lors de la troisième édition du forum ​«Paradigm_Shift»​, le public sera invité à explorer les impacts de la production abusive de nouvelles technologies. Sur deux jours, le Forum verra s’enchaîner tables rondes  et conférences. Le vendredi débutera avec une prise de parole de Mark Garrett, co-fondateur de Furtherfield, suivi de ​«​E-wasteland»​, une table ronde qui interrogera le gaspillage dans l’art numérique. En guise de clôture, le panel ​«The future web» – tenu en français – s’appuiera sur la thématique de l’exposition en repensant à l’impact d’Internet sur nos vies et à sa potentielle évolution. Nathalie Bachand, commissaire de l’exposition The Dead Web – La fin,​ participera à l’événement avec l’artiste Romain Tardy et Alexandre Monnin (président d’Adrastia), le tout modéré par Nicolas Nova.

L’Immersive Lab, un dispositif immersif unique développé par la Haute École d’Arts de Zurich et l’Université de Genève – DR


Le 15e Mapping Festival se déroulera du 23 au 26 mai 2019, à Genève – www.mappingfestival.com

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