Politique
5 questions à Jonathan Darbellay, député suppléant au Grand Conseil valaisan
Cet interview fait partie d’une série. Plusieurs sensibilités politiques seront représentées au travers de témoignages de jeunes élus issus de différents partis politiques.
Jonathan Darbellay est député suppléant au Grand Conseil valaisan et vice-président des Jeunes Centre-Gauche PCS.
Slash : Militer dans un parti de Centre-Gauche, c’est être de gauche mais vouloir marcher en sécurité dans les rues valaisannes ?
Jonathan Darbellay : Exactement ! (Rires) Non plus sérieusement, si on prend l’exemple de mon district, l’Entremont [en Valais, ndlr.], il y a 8 ans, il n’y avait aucun élu de gauche et la situation était vraiment très tendue. On a souvent peur de ce qu’on ne connait pas et dire qu’on était de gauche était vraiment un « coming-out » difficile à réaliser ; peu importe que ce soit avec le Centre-Gauche, le PS ou les Verts.
Cependant, avec « Entremont Autrement », un mouvement qui regroupe toutes les sensibilités de gauche, nous avons obtenu un siège au Grand Conseil, 4 Conseillers Communaux et 6 Conseillers Généraux (à Bagnes) alors que, à titre de comparaison, l’UDC n’a qu’un seul siège dans tout le district ! Aujourd’hui, parmi les jeunes, je pense (j’espère) qu’il est facile de se revendiquer de gauche. Pour les derniers réfractaires qui continuent à craindre le changement, j’espère juste qu’ils dépensent autant d’énergie à défendre leurs idées qu’à combattre celles des autres.
Pour ce qui est du positionnement au Centre-Gauche, il n’est pas si anodin. En plus de la politique, je suis également passionné par l’économie, raison pour laquelle j’ai fait mes études à la HEC de Lausanne. Il m’arrive régulièrement de trouver que le PS et surtout les Jeunes socialistes ne sont pas pertinents ou vont trop loin sur certaines idées. J’apprécie donc l’idéal de solidarité du PS, mais pour moi, cet idéal doit être lié à la notion de responsabilité. Cependant, cela représente un positionnement de fond puisque, en pratique, il est rare que nous votions différemment du PS, nous partageons d’ailleurs le même groupe au Grand Conseil.
Quel impact a eu ton engagement politique sur tes amis ?
Oh, ça n’a pas surpris grand monde ; dès mon adolescence j’adorais parler de politique, m’informer sur les votations et débattre, souvent sur Facebook, vu qu’à 16 ans, la plupart de mes amis n’avaient pas grand intérêt pour la chose publique.
Plus que mon engagement, c’est mon élection qui a surpris tout le monde, y compris moi-même. Mon parti ne détenait en effet aucun siège au Grand Conseil et mes chances étaient plutôt faibles. Cela a eu pour effet d’intéresser mes amis aux institutions : les mois qui suivirent l’élection, tous me questionnaient sur le rôle du Grand Conseil, du Conseil d’Etat, des différentes interventions possibles pour un député et, comme les séances sont retransmises en direct sur la télévision régionale valaisanne, il n’est pas rare que je reçoive des messages quand je prends la parole. J’espère donc avoir pu éveiller une certaine curiosité pour la politique chez certains jeunes de mon âge.
Comment t’y prends-tu pour montrer aux citoyens dans la vingtaine qu’ils sont concernés par la politique ?
De plus en plus de gens (pas seulement des jeunes d’ailleurs) voient les politiciens d’un mauvais œil : des encravatés qui passent leur temps à magouiller et faire de grandes théories sans que rien ne soit finalement tangible. Cependant, ils se trompent totalement : la politique régit une grande partie de notre quotidien ! Pour le montrer, j’essaie par exemple de « médiatiser » mes interventions qui sont susceptible de toucher le plus grand nombre à travers Facebook ou le blog d’« Entremont Autrement ». Plus les jeunes verront des exemples concrets d’interventions politiques qui les touchent directement, plus ils se sentiront concernés par la politique.
Études et politique… Cela fait des longues journées. Comment t’organises-tu pour être sur tous les fronts ?
En réalité, c’était plutôt facile jusqu’à maintenant puisque, étant universitaire, j’ai très largement utilisé ma liberté académique pour la politique. Mais c’est vrai que j’ai dû apprendre à utiliser un agenda pour gérer mes semaines, mais pas encore de quoi songer à engager une secrétaire pour l’instant !
Plus que de l’organisation, il faut surtout avoir beaucoup de motivation pour faire ces allers-retours entre Lausanne et le Valais, cela prend une énergie considérable. Par contre, je finis mon Master ce semestre, la suite risque probablement d’être plus compliquée à organiser, il faudra trouver un nouvel équilibre.
Actu
“Maman, j’ai raté l’avion”, version PLR
COMMENTAIRE. Tout juste remis de leur cuisante défaite zurichoise, le #TeamFDP ou PLR (si jamais l’organe communication du parti oubliait à nouveau que la Romandie est en Suisse) se lance dans l’industrie juteuse de l’écologie.
Il paraît que l’on apprend de ses erreurs. Généralement, cette citation a le mérite d’être avantageuse. Mais pas tout le temps. Dans le cas précis du revirement écologique du PLR, cela ressemble plutôt à un «changeons notre fusil d’épaule». Car oui, le parti de droite s’intéresse à cette problématique désormais. Dès le vendredi 29 mars, les libéraux-radicaux ont lancé un sondage parmi leurs 120’000 adhérents sur les attentes écologiques de ceux-ci.
«Le PLR n’a pas été compris»
Benoît Genecand (PLR, GE), conseiller national et membre de la commission de l’environnement, a répondu aux questions de La Liberté (29.03.2019). À propos de l’échec au Conseil national de la loi sur le CO2, il a déclaré : «Le PLR n’a pas été compris». Alors, cher Monsieur, je crois plutôt que c’est vous qui n’avez pas compris. Les jeunes d’aujourd’hui (pas tous, mais beaucoup tout de même) désirent des actions concrètes.
Ce monde que vous quitterez sûrement plus tôt que nous change et il ne faut pas le laisser agoniser. Non, la Suisse ne peut pas modifier le futur du climat à elle seule. Oui, la réussite économique de notre pays (qui nous permet tout de même de vivre dans un certain confort) a nécessité certaines décisions pas des plus vertes. Mais nous pouvons être un exemple. Nous pouvons tenter (au moins cela) de coupler réussite économique et respect de l’environnement. Pas en un jour ni en une année. Mais cela vaudrait le détour d’y réfléchir. Votre intérêt subit pour l’écologie n’est point à blâmer. Votre timing, oui.
Pourquoi s’y intéresser uniquement après une défaite ? Votre puissance politique est-elle plus importante que vos idées ? Car si vous avez bel et bien raté l’avion sur ce sujet, il n’est jamais trop tard pour prendre le prochain train.
Politique
Trump, une once de bienfaisance ?
Si comme moi, à chaque nouveau tweet de Trump, vous vivez une émotion de surprise, un éclat de rire puis vous soupirez de désespoir, vous serez tout aussi dubitatif à l’idée qu’il ait pu avoir un grand impact positif sur la population des États-Unis.
Pourtant, c’est bien ce qu’a voulu nous transmettre Sharon Smith lors de sa conférence à Lausanne la semaine dernière. Encore plus surprenant : l’écrivaine se définit elle-même comme une « socialiste révolutionnaire ».
L’activiste et auteure de Women and Socialism est cependant bien loin d’être une partisane du président américain.
« Je suis ici pour vous raconter ce que ça fait de vivre dans l’Amérique de Trump. Tous les matins, lorsque l’on regarde les réseaux sociaux, c’est comme se prendre une baffe dans la figure. »
En effet, dire que les deux premières années de son mandat ont été pleines de rebondissements serait un euphémisme ; entre ses tweets incendiaires contre Kim Jong-Un alias Rocket Man, son légendaire « Just grab them by the pussy ! » (« Il suffit de les attraper par la chatte ! ») ou son commentaire éclairé après les violences de 2017 à Charlottesville : « Je crois que les deux parties sont responsables ».
Just heard Foreign Minister of North Korea speak at U.N. If he echoes thoughts of Little Rocket Man, they won’t be around much longer!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 24 septembre 2017
« Je viens d’entendre le ministre des affaires étrangères nord-coréenne parler à l’ONU. S’il répète les pensées du petit Rocket Man, ils ne seront plus là pour très longtemps ! »
Une augmentation du nombre de groupuscules extrémistes aux États-Unis a été constatée pendant les trois dernières années de la présidence Obama, par le « Hate Watch » (observatoire de la haine) du Southern Poverty Law Center. Sharon Smith pense d’ailleurs que « même si les mouvements fascistes ont déjà été beaucoup plus présents par le passé, ils risquent de s’étendre et de se multiplier à nouveau, car le gouvernement les nourrit indirectement ».
Alors, une bénédiction ?
En arrivant au pouvoir avec ces gros sabots et son langage plus que politiquement incorrect, Trump a aussi nourri, malgré lui, une forme de résistance.
On constate que les protestations des mouvements socialistes ou d’autres plutôt à gauche ont gagné de l’ampleur. De plus en plus de manifestations sont nationales, voire internationales et non plus cantonnées à une ville. Le nombre de participants à ces élans de protestation a donc drastiquement augmenté depuis l’arrivée au pouvoir de la mèche orange.
La March For Women’s Lives (Marche pour la vie des femmes) de 2004 qui avait regroupé cinq-cent-mille personnes ou la People’s Climate March (Marche du peuple pour le climat) de 2014 avec ses quatre-cent-mille participants, peuvent en effet paraître anecdotiques en comparaison aux quatre-millions de manifestants à la Women’s March (Marche des femmes) de 2017 ou à la March For Our Lives (Marche pour nos vies) qui a regroupé deux-millions de personnes cette année.
Pour notre socialiste révolutionnaire, Trump a réveillé les Américains et les a poussés à se battre pour leurs droits. L’écrivaine voit une suite logique entre la Women’s March, le mouvement #Metoo et les protestations contre la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême ce mois.
Bien que ce dernier ait quand même eu le poste, Smith remarque que de plus en plus de mouvements de protestation arrivent à leurs fins. On note par exemple l’augmentation du salaire de ses employés par Amazon annoncée en septembre ou la campagne « Hands off, pants on ! » (« Bas les mains et pantalons remontés ! »), émanant du milieu hôtelier de Chicago, qui a abouti à des mesures pour protéger les employés du harcèlement sexuel.
Enfin, Sharon Smith considère donc que « de savoir que des choses qui étaient impensables il y a quelques années, sont maintenant en train de se passer, ça, c’est une raison de se réjouir. Et ça me suffit pour l’instant… »
Women and Socialism : Class, Race and Capital
Sharon Smith
Éd. Haymarket Books, 2015 – 260 pages