Concerts
Walk off the Earth enflamme la planète Gampel
On les a découverts en 2012, avec leur reprise en guitare-voix de Somebody That I Used to Know de Gotye. Quelque 6 années plus tard, c’est sur la Red Stage de l’Open Air Gampel qu’a eu lieu vendredi la rencontre entre Walk off the Earth et le public survolté du petit village haut-valaisan. Si le lustre passé a laissé s’installer les marques du temps, l’énergie, elle, n’a pas quitté les cinq Canadiens multi-instrumentistes.
Vendredi, 21 heures. Le soleil rase les falaises qui surplombent le festival. Dans les premiers rangs, au pas, les fans de la première heure. Au loin, les dernières notes de Tom Walker se confondent, sans ménagement, à l’electro house des bars voisins.
Lorsqu’apparaît finalement Oswi (le personnage virtuel égérie du festival), le Gampel fait place au silence. Avec sa voix crispante et dans un allemand plus que régional, le vieil homme en image de synthèse annonce fièrement « Falk off the Earth (sic.) ».
« Wie geht’s ? »
Arrivé sur scène, le band électrise instantanément la foule avinée de l’open air. « Wie geht’s ? » (comprenez « Ça va ? »), lance Sarah Blackwood, la chanteuse de Walk off the Earth. Le public, semblant en effet bien se porter, se lance dans un rudimentaire pogo.
Les titres s’enchaînent. Tantôt niaiseuse, tantôt délurée, la musique éclectique du collectif américain captive. La magique justesse vocale de Gianni Luminati, l’attitude fatigante d’éphèbe sans charisme tenue par Ryan Marshall, le côté antipathique amusant de Mike « The Beard Guy » Taylor, tous renvoient une conduite qu’il leur est propre.
Le concert semble lancé. L’excitation est au rendez-vous, quand un bête larsen interrompt le show. La console de mixage cède à deux reprises. Pendant quelques instants, dans un noir quasi complet, seules les huées de l’auditoire dominent. Qui du régisseur en chef ou du stagiaire à trébuché sur la rallonge, le mystère reste entier, néanmoins le concert peut reprendre. Sur une imparfaite, mais efficace, cover de Bohemian Rhapsody de Queen, le groupe s’excuse. Le public, lui, chante.
Un quintet pas si neuf
Fondé en 2006, le groupe a désormais conquis la planète entière. Leurs diverses reprises totalisent plus de 760 millions de vues sur YouTube et leur premier EP « REVO, » sorti en 2013, a fait danser un grand nombre de fans.
Avec 3 autres albums, la formation originaire d’Ontario n’a qu’un objectif en tête : séduire encore plus de monde, armée de sa belle énergie, de son enthousiasme communicatif et de ses tubes joyeux. Après son dernier opus « Sing I All The Way », sorti en 2015, le groupe est en train de signer un come-back scénique illustré par un premier single, Nomad.
Mélangeant des sonorités très modernes et électroniques à des sons propres au genre rock alternatif, Walk off the Earth évolue actuellement grâce à des covers régulières, ainsi que des compositions originales soignées autant sur le plan musical que visuel.
Belle locomotive
Après une heure quinze de prestation, l’assemblée est chauffée à bloc. Les Canadiens peuvent donc se retirer et laisser place au tout aussi (si ce n’est davantage) déjanté groupe Thirty Seconds to Mars – tête d’affiche de cette édition. Belle et efficace locomotive, alors, pour les frères Jared et Shannon Leto ; du grand Walk off the Earth. Merci vielmal.
Infos, billetterie et programme complet sur www.openairgampel.ch.
Le 32e Open Air Gampel se déroule du 16 au 19 août 2018.
Concerts
Au Paléo, Docteur Chedid et Mister M
Mercredi soir, le multi-instrumentiste, véritable showman, a fait de la Grande Scène de Paléo son royaume.
Au Paléo, mercredi soir, on y a vu un vrai concert de M. Avec du grand Matthieu Chedid dedans. «Un véritable spectacle son et lumière», comme diraient les producteurs influents de la décennie passée.
Tout seul dans l’arène
Quelques notes acides à la guitare et une entrée en scène faite de «ah», de «ouh» et de «mh» qui lui sont propres. M est là, vit, le manteau blanc, les santiags or et l’allure survoltée.
Derrière lui, Chedid. Poète. Comme son père, Louis. Comme sa grand-mère, Andrée. Comme lui-même, Matthieu, découvert, timidement égocentrique, dans les notes du Baptême.
L’un a quarante-sept printemps, l’autre vingt-deux. L’un regarde les autres, l’autre se regarde lui. Une seule chose les rassemble : tous deux ont ce besoin irrépréhensible de partager la musique. Celle d’hier et d’aujourd’hui. Peut-être même de demain.
Devant le parterre de la plaine de l’Asse, il dit «aime», M. Il s’aime, M. Si bien qu’il en supprime ses musiciens ; remplacés par des automates. Un pour chaque instrument. Une batterie loquace, une autre plus austère, la folie d’un vieux piano et la fiabilité pérenne de moult autres androïdes.
Coiffé-décoiffé
Mais dans le monde de Matthieu, le son n’est pas seul. Non, ici et là, l’image, la mise-en-scène et les artifices y ont une place de choix. Au milieu de six changements de costumes et de onze guitares, M se réapproprie «son» Paléo au travers de lumières hypnotiques, de ses coiffes impeccables et d’un culte du moi altruiste.
Avec un final composé de Machistador et de Bal de Bamako, Docteur Chedid et Mister M s’effacent presque, laissant la place aux techniciens de la Grande Scène. Ainsi, pendant près de vingt-cinq minutes, la «Golden Team» s’épuise dans une battle de danse.
Dans la lumière écarlate du plateau, Matthieu disparaît, on ne sait trop comment. Quelques instants avant M, qui lui, mimant une fusée, s’enfonce dans les coulisses du festival nyonnais. Messieurs, merci.
Le 44e Paléo Festival se déroule du 23 au 28 juillet 2019, à Nyon. Infos, bourse au billets et programme complet sur www.paleo.ch.
Concerts
Joan Baez, les adieux montreusiens
Hier soir, l’Américaine a envoûté le fervent public du Stravinsky de Montreux avec un concert d’une touchante simplicité et d’une rare honnêteté.
Salle noire, courte musique d’introduction et déjà la reine de la folk apparaît dans le faisceau des projecteurs. Saluée par l’ovation d’une foule conquise, la chanteuse entame très vite Don’t Think Twice, chanson de son vieil amour Bob Dylan, avant d’enchaîner avec Last Leaf de Tom Waits.
Joan Baez, sa voix n’est plus exactement la même ; son chant est désormais habité d’un grain sublime et dégage une fragilité émouvante. Ses doigts, eux, courent sur les cordes de sa guitare, avec une étonnante facilité. On comprend mieux pourquoi Dylan jalousait tant son picking si fin, si précis.
Entre les morceaux, la New-Yorkaise s’exprime le plus souvent en français. Se moquant de son âge, ainsi que celui de son public, elle se remémore son concert à Woodstock et les chansons qu’elle chantait avec sa sœur Mimi.
Entourée de trois musiciens, dont son fils Gabriel Harris aux percussions, Joan interprète un répertoire varié, tant dans l’époque que dans le genre. De Farewell Angelina (Bob Dylan) à Another World (Antony and the Johnsons), en passant par d’opérants chants faisant écho à l’abolition de l’esclavage, la septuagénaire continue sans cesse de délivrer un message de paix et d’humanisme.
Évoquant, avec The President Sang Amazing Grace, la tuerie de Charleston aux États-Unis, dans laquelle un suprémaciste blanc avait abattu plusieurs paroissiens noirs dans une église de la ville, mais aussi la cause des femmes avec Silver Blade, la chanteuse semble plus engagée que jamais.
Que ce soit pour la cause des noirs aux côtés de Martin Luther King ou contre la guerre d’Indochine à Hanoi, Joan Baez s’est toujours battue pour la tolérance et la paix. Et si sa voix ne chantera bientôt plus, il y a fort à parier qu’elle continuera à porter son engagement à travers le monde.
Le concert touchant à sa fin, Joan Baez entonne The Boxer de Paul Simon, puis reprend l’hymne Imagine de John Lennon. L’audience, ravie, chante à pleine voix. Après plusieurs rappels, Joan revient seule sur scène pour Fare Thee Weel, titre de son premier album sorti en 1960 (Joan Baez).
Adieu mes amis chante-t-elle enfin en français, rendant, ainsi, un hommage certain à sa contemporaine Nana Mouskouri. Ce sera la dernière chanson de la reine, son ultime concert au Montreux Jazz ; une page se tourne. Un immense merci, Joan Baez.
Le 53e Montreux Jazz se déroule du 28 juin au 13 juillet 2019 – www.montreuxjazzfestival.com.