Concerts
Myth Syzer, rencontre avec le bon gamin donneur de bisous mortels
Vendredi 26 octobre, la salle de concert Les Docks, à Lausanne, accueillait le si attendu concert de Myth Syzer. Producteur, DJ et topliner [artiste écrivant la mélodie vocale et les paroles par-dessus un beat, ndlr], Myth Syzer y a présenté son nouvel album « Bisous ». Il y avait du beau monde sur scène avec lui : son groupe de rap Bon Gamin, Bonnie Banane et le guitariste PH Trigano, sans compter les nombreux invités, qui ont mis le feu. Et le public le leur a bien rendu, motivé voire bouillant, il connaissait les paroles de l’album sur le bout des doigts. L’hystérie a même été atteinte, lorsque les Genevois Slimka et Dimeh sont arrivés sur scène, pour interpréter « Rwax » avec Loveni. Lors de ce concert aussi riche en artistes qu’en émotions, Myth Syzer a su capter son public et le faire voyager à travers amour, joie, colère et folie.
Dès 2011, Myth Syzer – Thomas Le Souder de son vrai nom – se fait remarquer. Il est vite reconnu pour ses productions newbeats et trap/rap. Il collabore avec des artistes renommés comme A$AP Ferg, Playboi Carti, La Fouine, Joke ou encore Hamza font appel à ses services. En juillet 2017, il nous embrasse (chaleureusement) avec l’excellent morceau « Le Code », suivi en novembre de la chanson « Coco love » feat. Ichon. En mars 2018, Myth Syzer sort le clip « Austin Power » feat. Lolo Zouaï et annonce la sortie de son premier album intitulé « Bisous » pour le 27 avril.
Composé de treize tracks, l’album « Bisous » est avant tout un album de collaboration. Myth Syzer invite de nombreux artistes – Roméo Elvis, Doc Gynéco, Lolo Zouaï, Bonnie Banane ou Clara Cappagli, entre autres – à partager le micro.
Cet album n’a rien à voir avec les sons sombres, que Myth Syzer a pu offrir lors de ses précédents projets. « Bisous » est né après une séparation amoureuse. Le topliner a décidé d’utiliser sa peine d’une manière positive : faire des morceaux colorés, mélodieux, chauds et rendre sa musique plus accessible. L’album – qui devient presque une thérapie – rappelle les sonorités des années 80. Chaque titre est unique – ses propres couleurs et odeurs– et les différents artistes invités nous transportent dans divers jardins sonores. Rencontre.
Slash : Alors, qui est Myth Syzer ? Quelle est l’origine de ce nom ?
Myth Syzer : Un mec qui fait de la musique. Mon blaze [nom d’artiste, ndlr] vient d’un son de J. Dilla qui s’appelle « Mythsysizer ».
Quelles sont tes influences ?
Mes influences sont vastes… C’est la vie, mon quotidien et mes émotions. En termes de musique, les producteurs Dr. Dre, Flying Lotus, J. Dilla, Madlib et Metro Boomin – pour le côté très actuel – m’inspirent particulièrement.
Ton premier album s’intitule « Bisous ». Quel est l’élément déclencheur qui t’a donné envie de le faire ?
J’avais envie d’aller plus loin que juste réaliser les instrumentales. Je voulais prendre la parole parce que j’avais des idées pour des mélodies et cela a débuté avec le morceau « Le Code ». Au lieu de créer une topline pour quelqu’un d’autre afin qu’il chante sur mon son, je me suis dit que j’allais essayer de le faire. De là, s’est déclenché tout le processus de l’album.
Pourquoi appeler cet opus « Bisous » ? La pochette est plutôt triste, voire dramatique…
La pochette n’est pas réellement négative. Le vase est cassé mais la fleur est intacte. Cela signifie que l’on peut casser ta carapace mais tu peux te reconstruire et être nickel à l’intérieur. J’ai imagé ce qu’il s’est passé pour moi dans ma relation sentimentale. Ça m’a brisé mais je suis encore là comme la rose sur la pochette. Le nom de l’album est « Bisous » parce que cela correspond à l’ensemble des titres du projet qui parle d’amour. Et le bisou est un mot universel résumant bien l’amour.
Pourquoi aucun morceau solo ne figure sur l’album?
J’en avais pas envie et je m’en sentais pas capable. Je pense que j’ai encore à travailler sur mes textes. J’avais pas la prétention de vouloir rentrer directement comme chanteur ou rappeur. Je voulais garder mon rôle de directeur artistique et de producteur. Je souhaite arriver tranquillement en tant que rappeur. Et honnêtement, j’avais la flemme de finir un morceau tout seul. Je me suis contenté de ce que je sais faire : la musique et les toplines (rires).
En trois mots, à quoi ressemble un show de Myth Syzer ?
Il y a de l’émotion, de la surprise et du mouvement !
Quel est le morceau que tu aimes jouer ?
Il y en a un que j’adore, et qui, en même temps, m’émeut beaucoup. J’ai même envie de pleurer. C’est un track qui n’est pas sorti mais que je fais en exclusivité sur chaque date. Il s’appelle « Chamaille » et je suis en solo dessus.
Tu es très actif sur Instagram, qu’es -ce qu’un bon compte Instagram à tes yeux ?
Je ne sais pas… Instagram c’est bien, tout en étant pas bien… Je déteste ce réseau autant que je l’aime, car, au final, tu es trop centré sur toi-même.Les gens se perdent et ça les rend tristes… On compare nos vies. Mais, il y a quand même du positif comme les belles images ou les illustrations inspirantes. Quant aux abonnements, je suis surtout des comptes qui relayent des informations qui parlent de musique.
Quels sont tes projets à venir ?
Il y a « Bisous mortels » qui arrive à la fin de ce mois. Mais attention, ce n’est pas une réédition de « Bisous », c’est un projet de dix morceaux inédits. Il s’agit d’une mixtape plus sombre et plus trap/rap. Pour ce qui est de l’album de Bon Gamin, j’espère que ça sera pour la fin de l’année 2019.
Myth Syzer est sur Facebook, sur Instagram et a un site web.
Concerts
Au Paléo, Docteur Chedid et Mister M
Mercredi soir, le multi-instrumentiste, véritable showman, a fait de la Grande Scène de Paléo son royaume.
Au Paléo, mercredi soir, on y a vu un vrai concert de M. Avec du grand Matthieu Chedid dedans. «Un véritable spectacle son et lumière», comme diraient les producteurs influents de la décennie passée.
Tout seul dans l’arène
Quelques notes acides à la guitare et une entrée en scène faite de «ah», de «ouh» et de «mh» qui lui sont propres. M est là, vit, le manteau blanc, les santiags or et l’allure survoltée.
Derrière lui, Chedid. Poète. Comme son père, Louis. Comme sa grand-mère, Andrée. Comme lui-même, Matthieu, découvert, timidement égocentrique, dans les notes du Baptême.
L’un a quarante-sept printemps, l’autre vingt-deux. L’un regarde les autres, l’autre se regarde lui. Une seule chose les rassemble : tous deux ont ce besoin irrépréhensible de partager la musique. Celle d’hier et d’aujourd’hui. Peut-être même de demain.
Devant le parterre de la plaine de l’Asse, il dit «aime», M. Il s’aime, M. Si bien qu’il en supprime ses musiciens ; remplacés par des automates. Un pour chaque instrument. Une batterie loquace, une autre plus austère, la folie d’un vieux piano et la fiabilité pérenne de moult autres androïdes.
Coiffé-décoiffé
Mais dans le monde de Matthieu, le son n’est pas seul. Non, ici et là, l’image, la mise-en-scène et les artifices y ont une place de choix. Au milieu de six changements de costumes et de onze guitares, M se réapproprie «son» Paléo au travers de lumières hypnotiques, de ses coiffes impeccables et d’un culte du moi altruiste.
Avec un final composé de Machistador et de Bal de Bamako, Docteur Chedid et Mister M s’effacent presque, laissant la place aux techniciens de la Grande Scène. Ainsi, pendant près de vingt-cinq minutes, la «Golden Team» s’épuise dans une battle de danse.
Dans la lumière écarlate du plateau, Matthieu disparaît, on ne sait trop comment. Quelques instants avant M, qui lui, mimant une fusée, s’enfonce dans les coulisses du festival nyonnais. Messieurs, merci.
Le 44e Paléo Festival se déroule du 23 au 28 juillet 2019, à Nyon. Infos, bourse au billets et programme complet sur www.paleo.ch.
Concerts
Joan Baez, les adieux montreusiens
Hier soir, l’Américaine a envoûté le fervent public du Stravinsky de Montreux avec un concert d’une touchante simplicité et d’une rare honnêteté.
Salle noire, courte musique d’introduction et déjà la reine de la folk apparaît dans le faisceau des projecteurs. Saluée par l’ovation d’une foule conquise, la chanteuse entame très vite Don’t Think Twice, chanson de son vieil amour Bob Dylan, avant d’enchaîner avec Last Leaf de Tom Waits.
Joan Baez, sa voix n’est plus exactement la même ; son chant est désormais habité d’un grain sublime et dégage une fragilité émouvante. Ses doigts, eux, courent sur les cordes de sa guitare, avec une étonnante facilité. On comprend mieux pourquoi Dylan jalousait tant son picking si fin, si précis.
Entre les morceaux, la New-Yorkaise s’exprime le plus souvent en français. Se moquant de son âge, ainsi que celui de son public, elle se remémore son concert à Woodstock et les chansons qu’elle chantait avec sa sœur Mimi.
Entourée de trois musiciens, dont son fils Gabriel Harris aux percussions, Joan interprète un répertoire varié, tant dans l’époque que dans le genre. De Farewell Angelina (Bob Dylan) à Another World (Antony and the Johnsons), en passant par d’opérants chants faisant écho à l’abolition de l’esclavage, la septuagénaire continue sans cesse de délivrer un message de paix et d’humanisme.
Évoquant, avec The President Sang Amazing Grace, la tuerie de Charleston aux États-Unis, dans laquelle un suprémaciste blanc avait abattu plusieurs paroissiens noirs dans une église de la ville, mais aussi la cause des femmes avec Silver Blade, la chanteuse semble plus engagée que jamais.
Que ce soit pour la cause des noirs aux côtés de Martin Luther King ou contre la guerre d’Indochine à Hanoi, Joan Baez s’est toujours battue pour la tolérance et la paix. Et si sa voix ne chantera bientôt plus, il y a fort à parier qu’elle continuera à porter son engagement à travers le monde.
Le concert touchant à sa fin, Joan Baez entonne The Boxer de Paul Simon, puis reprend l’hymne Imagine de John Lennon. L’audience, ravie, chante à pleine voix. Après plusieurs rappels, Joan revient seule sur scène pour Fare Thee Weel, titre de son premier album sorti en 1960 (Joan Baez).
Adieu mes amis chante-t-elle enfin en français, rendant, ainsi, un hommage certain à sa contemporaine Nana Mouskouri. Ce sera la dernière chanson de la reine, son ultime concert au Montreux Jazz ; une page se tourne. Un immense merci, Joan Baez.
Le 53e Montreux Jazz se déroule du 28 juin au 13 juillet 2019 – www.montreuxjazzfestival.com.