Politique
Avec les opposants à la venue de Trump en Suisse
Alors que le président américain est attendu vendredi à la tribune du Forum économique mondial (WEF) de Davos, beaucoup se disent contre la venue de la mèche orange en Suisse.
De cette révolte est née « Trump not welcome in Switzerland! », une série de 6 rassemblements (Bellizone, Fribourg, Genève, Lausanne, Neuchâtel et Zürich) invitant Donald Trump à « rester chez lui ». Malgré le caractère singulier du mouvement, les manifestations ont bien eu lieu mardi dernier, en début de soirée et « dans le calme », assurent les autorités en charge de la sécurité des événements.
Si le rassemblement genevois n’a pas rencontré le succès escompté (200 à 300 personnes, selon les premiers comptes), c’est avec Kevin Sanchez, 25 ans, organisateur du meeting et membre du mouvement politique solidaritéS, que nous avions rendez-vous quelques heures après les discours et les slogans. Il a répondu à nos questions.
Interview réalisée le 24 janvier 2018.
Slash : Salut Kevin. Tu es militant au sein de l’antenne genevoise du mouvement politique anticapitaliste, féministe et écosocialiste qu’est solidaritéS. Ça fait longtemps ? Pourquoi ?
Kevin Sanchez : J’ai commencé mon militantisme il y a quelques années, à l’université. Mais au bout d’un certain temps, je trouvais que ce cadre était trop restreint et je voulais mener des projets plus larges. C’est ce premier point qui a motivé mon engagement à solidaritéS Jeunes. Je voulais militer dans une perspective mêlant théorie et pratique. Mon engagement principal est la lutte féministe, dans le sens d’un combat pour l’égalité entre les sexes. Je suis en 2e de Master d’études genre à l’Université de Genève et je voulais coupler ma formation à un militantisme politique concret. solidaritéS étant le seul parti politique genevois avec un programme et un fonctionnement féministe, mon choix était vite fait. Je pense qu’une critique profonde de notre système est cruciale et seul ce mouvement avec ces trois piliers (féministe, anticapitaliste, écosocialiste) apporte un projet politique pertinent.
C’est rare, mais des rassemblements contre la venue d’un président américain au WEF ont déjà eu lieu – notamment en 2000, avec Bill Clinton. D’accord, Donald Trump est plus clivant. Mais quel est le problème : la venue d’un chef d’État influent ? Le WEF ? L’empreinte carbone d’Air Force One ? Les trois ?
Il est vrai que des protestations contre la venue d’un président américain ont déjà eu lieu par le passé. Il est vrai que plusieurs actions ont été organisées contre le Forum. Mais nous sommes désormais face à une problématique différente.
Tout d’abord, en tant que mouvement critiquant le système économique dominant, ce qui nous pose problème est la tenue en Suisse du World Economic Forum. Il est désormais admis que le système économique néolibéral ne fonctionne pas et nous a montré ses dérives et ses limites (catastrophes environnementales, crises des subprimes en 2008 et autres). De ce fait, la tenue du WEF, symbole du capitalisme, pose grandement problème, car il ne remet aucunement en question la logique néolibérale régissant notre société.
La venue de Donald Trump à Davos est donc doublement problématique. Nous avons d’un côté un homme politique critiquable en tous points, qui, deuxièmement, se rend à un sommet faisant l’apologie d’un système économique à réformer en profondeur. Voici donc pourquoi il est nécessaire, avec la venue de Trump, de critiquer sa politique ainsi que le Forum en lui-même.
Dans vos posts Facebook, avec la mention « Trump not welcome in Switzerland! », vous parlez d’un président qui « n’est pas le bienvenu » et qui « incite à la haine, au racisme, au sexisme et à l’intolérance ». Ce n’est pas lui donner de l’importance que d’aller manifester partout en Suisse ?
Je pense que le débat sur l’importance que nous donnons ou non à ce personnage n’est pas pertinent. En effet, monsieur Trump n’a pas besoin de nous pour faire la Une des médias chaque semaine. Il nous a montré, après plus d’un an de présidence, sa capacité de nuisance et de polémique. Le racisme, le sexisme et l’intolérance véhiculés par Trump ne sont un secret pour personne. Tout le danger réside dans la banalisation de ces propos injurieux et ces politiques racistes. Il est capital de montrer au monde et à monsieur Trump, ainsi qu’à nos dirigeantes et dirigeants suisses que nous, citoyennes et citoyens, nous ne sommes pas d’accord avec la politique de Trump et que nous sommes indignés par la complaisance des autorités suisses à son égard. Il est inacceptable d’inviter un homme politique qui est contre l’IVG, qui mets dos-à-dos néonazis et militants antiracistes, qui traitent de « pays de merde » d’autres nations. Pour toutes ces raisons, nous rejetons en bloc cet homme et ce qu’il véhicule. Il en va de notre devoir citoyen de protester contre sa venue.
Et vous espérez être entendus ?
Nous n’espérons pas, nous allons être entendus ! Organiser une mobilisation nationale est un challenge pour nous. Il est essentiel de montrer qu’un front large et démocratique se dresse contre Trump et le néolibéralisme mortifère qu’il promeut. Les manifestations simultanées organisées par solidaritéS dans plusieurs villes de Suisse, et soutenues par un grand nombre d’associations et collectifs, nous montrent qu’une mobilisation nationale est possible autour de sujet aussi clivant que celui-ci. L’enthousiasme suscité par ces rassemblements et la couverture médiatique favorable nous incitent à aller de l’avant. Nous sommes convaincus que notre vision de la société est partagée par le plus grand nombre et qu’il nous incombe de transformer cet élan citoyen en projets politiques concrets alliant féminisme, anticapitalisme et écosocialisme.
La mèche orange, c’est une fortune estimée à 3,1 milliards de dollars. Alors, pourquoi ne pas tout simplement le laisser parler d’un sujet qu’il semble maîtriser, qui plus est lors d’un forum économique ? C’est plutôt le bon endroit.
Comme expliqué précédemment, la question n’est pas de savoir si Trump, de par sa fortune, est plus légitime qu’un autre de se rendre au WEF. Ce Forum n’est plus à même de représenter les intérêts économiques du plus grand nombre. Ce sommet est la pointe de l’iceberg, la vitrine d’un système économique qui ne fait que creuser les inégalités dans nos sociétés. Donald Trump, de par sa fortune, serait-il plus légitime pour négocier les accords économiques internationaux ? Seuls les milliardaires seraient-il aptes à parler d’économie ? La logique est simple. S’il s’agit de négocier de nouvelles politiques économiques qui étranglent la population, qui ne profitent qu’à une élite, alors oui, monsieur Trump sera la bonne personne. Mais c’est bien cela que nous critiquons. Trump s’est fait élire avec son slogan « America First » et en promettant un protectionnisme aigu pour favoriser les emplois américains. Mais en se rendant au WEF, il nous montre qu’il s’inscrit dans la politique néolibérale effrénée qu’il dénonçait par ailleurs pendant sa campagne.
Et, selon toi, le Conseil fédéral ne doit pas tenter d’ouvrir le dialogue avec Donald Trump ?
L’enjeu n’est pas l’ouverture ou non d’un dialogue avec les autorités suisses. Trump ne se rend pas dans notre pays pour discuter diplomatie, culture ou politique sociale. Sa venue se fait dans le cadre du World Economic Forum. La Suisse, qui possède une tradition diplomatique reconnue, doit jouer un rôle central dans le dialogue entre Donald Trump et la communauté internationale. Ce travail diplomatique doit être mené de manière conjointe entre les autorités suisses, américaines et les actrices et acteurs citoyens, car un débat démocratique est indispensable. Il est donc nécessaire de montrer à Donald Trump que la population suisse ne cautionne pas ses agissements.
Admettons, tu as un tweet à envoyer à @realDonaldTrump – évidemment, il sera lu. Qu’est-ce que tu souhaites lui dire ?
— Attention Donald, revolution is coming ! #solidaritéSJeunes #jeunesrévolutionnaires #getready
Merci Kevin.
Trump, très attendu par ses camarades
Du côté de Davos, centre du Monde jusqu’au 26 janvier, tous se réjouissent de serrer la main de « Monsieur Trump ». Et malgré un agenda encore vague, le président américain devrait profiter de sa venue en Suisse pour présenter à son homologue hélvète, Alain Berset, son programme « America First ».
Selon Edward McMullen, ambassadeur des Etats-Unis à Berne, interviewé au 19h30 de la RTS il y a quelques jours : « L’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule. » Toujours selon lui, « les premières réformes de l’administration Trump ont déjà eu des répercussions sur l’économie mondiale ». Preuves à l’appui ? Peut-être vendredi, dans les Grisons.
Actu
“Maman, j’ai raté l’avion”, version PLR
COMMENTAIRE. Tout juste remis de leur cuisante défaite zurichoise, le #TeamFDP ou PLR (si jamais l’organe communication du parti oubliait à nouveau que la Romandie est en Suisse) se lance dans l’industrie juteuse de l’écologie.
Il paraît que l’on apprend de ses erreurs. Généralement, cette citation a le mérite d’être avantageuse. Mais pas tout le temps. Dans le cas précis du revirement écologique du PLR, cela ressemble plutôt à un «changeons notre fusil d’épaule». Car oui, le parti de droite s’intéresse à cette problématique désormais. Dès le vendredi 29 mars, les libéraux-radicaux ont lancé un sondage parmi leurs 120’000 adhérents sur les attentes écologiques de ceux-ci.
«Le PLR n’a pas été compris»
Benoît Genecand (PLR, GE), conseiller national et membre de la commission de l’environnement, a répondu aux questions de La Liberté (29.03.2019). À propos de l’échec au Conseil national de la loi sur le CO2, il a déclaré : «Le PLR n’a pas été compris». Alors, cher Monsieur, je crois plutôt que c’est vous qui n’avez pas compris. Les jeunes d’aujourd’hui (pas tous, mais beaucoup tout de même) désirent des actions concrètes.
Ce monde que vous quitterez sûrement plus tôt que nous change et il ne faut pas le laisser agoniser. Non, la Suisse ne peut pas modifier le futur du climat à elle seule. Oui, la réussite économique de notre pays (qui nous permet tout de même de vivre dans un certain confort) a nécessité certaines décisions pas des plus vertes. Mais nous pouvons être un exemple. Nous pouvons tenter (au moins cela) de coupler réussite économique et respect de l’environnement. Pas en un jour ni en une année. Mais cela vaudrait le détour d’y réfléchir. Votre intérêt subit pour l’écologie n’est point à blâmer. Votre timing, oui.
Pourquoi s’y intéresser uniquement après une défaite ? Votre puissance politique est-elle plus importante que vos idées ? Car si vous avez bel et bien raté l’avion sur ce sujet, il n’est jamais trop tard pour prendre le prochain train.
Politique
Trump, une once de bienfaisance ?
Si comme moi, à chaque nouveau tweet de Trump, vous vivez une émotion de surprise, un éclat de rire puis vous soupirez de désespoir, vous serez tout aussi dubitatif à l’idée qu’il ait pu avoir un grand impact positif sur la population des États-Unis.
Pourtant, c’est bien ce qu’a voulu nous transmettre Sharon Smith lors de sa conférence à Lausanne la semaine dernière. Encore plus surprenant : l’écrivaine se définit elle-même comme une « socialiste révolutionnaire ».
L’activiste et auteure de Women and Socialism est cependant bien loin d’être une partisane du président américain.
« Je suis ici pour vous raconter ce que ça fait de vivre dans l’Amérique de Trump. Tous les matins, lorsque l’on regarde les réseaux sociaux, c’est comme se prendre une baffe dans la figure. »
En effet, dire que les deux premières années de son mandat ont été pleines de rebondissements serait un euphémisme ; entre ses tweets incendiaires contre Kim Jong-Un alias Rocket Man, son légendaire « Just grab them by the pussy ! » (« Il suffit de les attraper par la chatte ! ») ou son commentaire éclairé après les violences de 2017 à Charlottesville : « Je crois que les deux parties sont responsables ».
Just heard Foreign Minister of North Korea speak at U.N. If he echoes thoughts of Little Rocket Man, they won’t be around much longer!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 24 septembre 2017
« Je viens d’entendre le ministre des affaires étrangères nord-coréenne parler à l’ONU. S’il répète les pensées du petit Rocket Man, ils ne seront plus là pour très longtemps ! »
Une augmentation du nombre de groupuscules extrémistes aux États-Unis a été constatée pendant les trois dernières années de la présidence Obama, par le « Hate Watch » (observatoire de la haine) du Southern Poverty Law Center. Sharon Smith pense d’ailleurs que « même si les mouvements fascistes ont déjà été beaucoup plus présents par le passé, ils risquent de s’étendre et de se multiplier à nouveau, car le gouvernement les nourrit indirectement ».
Alors, une bénédiction ?
En arrivant au pouvoir avec ces gros sabots et son langage plus que politiquement incorrect, Trump a aussi nourri, malgré lui, une forme de résistance.
On constate que les protestations des mouvements socialistes ou d’autres plutôt à gauche ont gagné de l’ampleur. De plus en plus de manifestations sont nationales, voire internationales et non plus cantonnées à une ville. Le nombre de participants à ces élans de protestation a donc drastiquement augmenté depuis l’arrivée au pouvoir de la mèche orange.
La March For Women’s Lives (Marche pour la vie des femmes) de 2004 qui avait regroupé cinq-cent-mille personnes ou la People’s Climate March (Marche du peuple pour le climat) de 2014 avec ses quatre-cent-mille participants, peuvent en effet paraître anecdotiques en comparaison aux quatre-millions de manifestants à la Women’s March (Marche des femmes) de 2017 ou à la March For Our Lives (Marche pour nos vies) qui a regroupé deux-millions de personnes cette année.
Pour notre socialiste révolutionnaire, Trump a réveillé les Américains et les a poussés à se battre pour leurs droits. L’écrivaine voit une suite logique entre la Women’s March, le mouvement #Metoo et les protestations contre la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême ce mois.
Bien que ce dernier ait quand même eu le poste, Smith remarque que de plus en plus de mouvements de protestation arrivent à leurs fins. On note par exemple l’augmentation du salaire de ses employés par Amazon annoncée en septembre ou la campagne « Hands off, pants on ! » (« Bas les mains et pantalons remontés ! »), émanant du milieu hôtelier de Chicago, qui a abouti à des mesures pour protéger les employés du harcèlement sexuel.
Enfin, Sharon Smith considère donc que « de savoir que des choses qui étaient impensables il y a quelques années, sont maintenant en train de se passer, ça, c’est une raison de se réjouir. Et ça me suffit pour l’instant… »
Women and Socialism : Class, Race and Capital
Sharon Smith
Éd. Haymarket Books, 2015 – 260 pages