Scène
Sous les lumières, Marc défie l’obscur Hollogne
Avec pour seule compagnie les personnages dont il écrit les aventures, Marciel vit dans une grange, sorte d’isoloir de paille, qui le tient à l’écart de sa vie passé. Depuis la scène du Théâtre 2.21, il écrit les dialogues d’un cinéma-théâtre, Marciel et le bonheur oblique de la conférence intérieure, dont le long métrage est projeté à ses côtés. Des personnes rencontrées par Marciel y apparaissent malgré elles. Souhaitant rendre justice aux femmes en condamnant le mal causé par des hommes, Marciel va tenter d’exprimer son indignation. Les mots lui manquent, l’inspiration aussi. Le héros se perd dans des recherches farfelues sur Internet, s’égosille sur des chansons absurdes, s’agite dans un tourbillon de déni… Les personnages sur l’écran s’impatientent.
Entre un écran virtuel et des planches bien réelles, Marciel va devoir régler un profond conflit intérieur pour pouvoir se saisir de sa plume à nouveau. Son tour du monde, ultra médiatisé par les télévisions francophones dans les années 1980 et auquel il a détesté participer, remonte à la surface. Marciel, qui ne supporte pas qu’on parle de lui, refuse de l’affronter. Ses alter égos de lumière et d’obscurité, avec qui le héros est de moins en moins d’accord, vont lutter pour le tirer vers la vie, ou les profondeurs abyssales des pulsions humaines.
Mais si le personnage de Marc Hollogne fait le dos rond, des images brutes, d’il y a plus de 30 ans, apparaissent avec force à l’écran. Tantôt en Afrique, tantôt en Colombie-Britannique, on voit Marciel animé par la force de la jeunesse et le courage de l’insouciance. Nacht und Träume de Schubert dans les oreilles, il semble inarrêtable, comme porté par une destinée bien plus forte que lui.
Marc Hollogne, artiste belge et véritable maître du Cinéma-Théâtre, mêle avec brio la poésie de la scène et la magie du 7ème art dans son nouveau spectacle. Parfois drôle, souvent touchant et toujours sincère, Marc Hollogne se livre complètement face à un public qui (re)découvre un monstre scénique au génie incontestable. Dans son parcours intérieur tumultueux, fil rouge de ce nouveau Cinéma-Théâtre, il se fixe sur deux axes principaux: ses déceptions amoureuses et La course autour du monde. Difficile de faire le lien entre les deux parfois, mais la profonde humanité de l’artiste suffit à calmer les interrogations qui jaillissent dans l’esprit du spectateur. Comme si ce méli-mélo ne suffisait pas, on voit surgir à l’écran, entre deux scènes qui se déroulent au XVIIIe siècle, des personnalités bien connues des Romands, comme Duja, Michel Zendali ou encore Jean-Charles Simon. Dans des apparitions plus ou moins longues, mais aussi plus ou moins réussies, les guest stars démontrent l’ancrage local de l’artiste, qui jouait jusqu’à trois fois par jour au théâtre de l’Octogone à l’époque de Manoë, en 1987.
Scène
Givrée, la programmation d’Antigel 2019
Genève n’est jamais la même après l’annonce de la programmation d’Antigel, le festival du décloisonnement artistique depuis 2011. Ses programmateurs viennent de dévoiler son line-up qu’ils qualifient de « kaléidoscopique » avec pour mot d’ordre : « Shake Genève ».
Pour marquer son 10e anniversaire au coeur de l’hiver genevois, Antigel réserve une surprise de taille, le 22 juillet 2019 au Victoria Hall, à mi-chemin, jour pour jour, entre les deux éditions : la venue exceptionnelle du all-stars band The Good, the Bad and the Queen. Ce supergroupe mené avec brio par Damon Albarn (de Gorillaz et Blur) abrite également les musiciens de The Clash, The Verve et Fela Kuti.
Une affiche musicale renversante
Sur les versants musicaux encore, l’événement accroche à son line-up l’impétueuse Brigitte Fontaine et sa poésie dissidente, en concert à l’Alhambra, comme L’Or du Commun, qui se fera le porte-parole de la nouvelle scène rap belge. L’Alhambra, point névralgique du festival, accueillera également le rock céleste des Américains de Low ou encore la folk de « notre » star (inter)nationale, Sophie Hunger.
Ailleurs, au Chat Noir, à l’Usine ou à l’Abri sont attendus les dandys de Feu! Chatterton, le solitaire Brendan Perry et sa new wave, la soul d’Odette, le rock turc d’Altin Gün ainsi que les, désormais, monuments rap genevois Di-Meh, Slimka, Makala et compagnie pour célébrer la première décennie de leur label Colors Records.
Dans les églises, les fermes, les piscines et les plages (oui, oui), infinité d’autres artistes sont attendus. À l’image de la folk de Kristin Hersh et Old Sea Brigade, la psyché rock des Viagra Boys, le blues de J.S. Ondara, ou la country-soul d’Odetta Hartman.
Les arts vivants ne seront pas en reste
On entend déjà les trois coups. À Antigel, la musique n’est pas seule. Ses (pas si) lointains cousins, Danse et Théâtre, sont également chéris par les programmateurs de l’événement genevois. Pour exemple : la troupe helvétique Philippe Saire et sa production audacieuse, « Hocus Pocus », présentée sur la scène du Théâtre de Bordeaux de Saint-Genis-Pouilly (France).
Côté « théâtre dynamité », au Théâtre du Grütli, la compagnie Motus, avec « MDLSX » (pour Middlesex) nous contera des récits autobiographiques et citations littéraires, traversés par les musiques des Smiths, Buddy Holly ou Stromae ; un électrisant manifeste queer.
Enfin, pêle-mêle, les rendez-vous sont pris avec la Brésilienne Lia Rodrigues et ses danseurs, l’objet artistique non identifié, mélange fouillé de sons et d’images, Dear Ribaine, l’invitation au voyage de Yves-Noël Genod, ou la rencontre avec les 11 artistes résidants de l’Abri de Genève, Rodeo Banquise.
L’Afrique du Sud à l’honneur
Cette année signe la fin de l’aventure Grand central dans la Tour CFF, avant la destruction de celle-ci. Il fallait, alors, pléthore de DJs à la hauteur pour terminer en beauté. L’ouverture s’annonce chaleureuse avec deux stars de la house sud-africaine, Lakuti et Esa.
Un pays qui sera d’ailleurs mis à l’honneur lors d’une autre soirée intitulée « South Africa X Geneva one love ». « L’occasion de créer un pont entre la scène électro queer sud-africaine et genevoise et de mettre en avant des artistes qui transforment la société ici et là-bas », expliquent les organisateurs.
Infos, billetterie et line-up complet sur www.antigel.ch.
Le 9e Antigel se déroulera du 1er au 23 février 2019, dans divers lieux.
Scène
Le M3, enfin sur les rails… dans la nouvelle revue du Théâtre Boulimie
Il faudra attendre encore quelques années avant l’ouverture officielle du troisième métro lausannois, le M3. Mais pas de panique ! L’humoriste romand Blaise Bersinger et ses acolytes comédiens s’occupent de vous transporter dans les confins de l’actualité lausannoise et suisse en attendant, dans leur nouvelle revue, présentée au Théâtre Boulimie.
M3 – La nouvelle revue de Lausanne, un remake de la revue de Genève qui décortique l’actualité genevoise et suisse depuis plus de 120 ans ? Pas tellement. Après avoir été stand-upper à la dite revue en 2017, le co-animateur télé de Mauvaise Langue, Blaise Bersinger a découvert le monde de la revue de l’intérieur. Et c’est avec Sébastien Corthésy – producteur de spectacles, de contenus audiovisuels et metteur en scène – que l’idée d’importer ce concept à Lausanne, en le concoctant à leur sauce, est né.
« Moins vulgaire, moins raciste, moins xénophobe, moins cul : moins femmes avec des paillettes à moitié à poil et plus 2018 ». En d’autres termes, Blaise souhaite remettre au goût du jour ce genre théâtral satirique qui associe sketchs, musique et danse, à commencer par le choix du titre : « On ne voulait pas appeler ça juste la revue de Lausanne parce qu’on voulait se démarquer de l’image a priori qui existe par rapport aux revues. On est dans un truc nouveau, moderne et en même temps typiquement lausannois », explique-t-il. Cette revue d’un nouveau genre, écrite et réalisée par Blaise Bersinger, Benjamin Décosterd et Sébastien Corthésy, en collaboration avec les autres comédiens, a été jouée pour la première fois vendredi passé, au Théâtre Boulimie, à Lausanne.
Bien que certaines ambitions aient dû être revues à la baisse pour des raisons budgétaires – notamment la possibilité d’avoir un groupe de musique live à chaque représentation – les financements privés ont permis au spectacle de voir le jour en gardant effets sonores, lumineux et musique originale. On constate également que quelques changements ont été apporté entre les premiers filages et l’avant-première. En effet, le public est part intégrante du spectacle, qui va donc connaitre des modifications, au fil des représentations, et jusqu’à sa fin.
Traiter d’actualité par le biais de l’humour, avec des sketchs sur le deal de rue ou sur « No Billag », une façon de dénoncer des faits en douce ? « Je prends pas les choses dans cet ordre-là. J’aime faire rigoler les gens, c’est le but premier, et l’actualité se renouvelle constamment donc c’est plus facile, à mon sens, d’écrire dessus. Alors oui, ce que je trouve risible apparait dans le sketch et tu te fais rapidement une idée de mon opinion, mais le but n’est pas de rallier les gens à ma cause », raconte Blaise Bersinger.
Entre les sketchs sur les dix ans du M2, le match en coupe du monde Suisse-Serbie – qui a fini en polémique – ou les inondations de Lausanne, impossible pour les spectateurs de ne pas se sentir suisses mais surtout lausannois. Durant une heure et demie, les musiques créées exclusivement pour la revue, ainsi que les chorégraphies et effets visuels, embarquent les spectateurs dans un univers où la bonne humeur est au rendez-vous, peu importe les sujets traités.
Après un an de travail d’arrache-pied et de sueur, le spectacle s’installe du 2 novembre au 8 décembre 2018 au Théâtre Boulimie. Angoissé à l’idée que les billets ne se vendent pas, Blaise me confie qu’il se rend de temps à autres sur la billetterie afin de voir la quantité de places encore disponibles et en est, « pour l’instant », rassuré…
Informations et billetterie sur le site du Théâtre Boulimie.