Scène
Hospitalités : d’une démarche artistique à l’engagement citoyen
Ce dimanche 15 janvier, se jouait, au Théâtre de Vidy (Lausanne), la dernière représentation d’« Hospitalités », une création du performer suisse Massimo Furlan.
La salle est pleine à craquer. Sur la scène, un banc, composé de deux étages. La salle s’obscurcit. Un écran s’allume, faisant défiler un texte. Il nous est alors raconté comment Massimo Furlan a atterri dans le village de La Bastide-Clairence, dans le pays basque.
Le village ayant été élu le plus beau de France, les prix de l’immobilier ont explosé, rendant difficile, voire impossible, le logement, à des prix abordables. Massimo Furlan, invité par le musicien Kristof Hiriart, a alors proposé que le village accueille un centre pour migrants, ce qui ferait baisser le prix de l’immobilier aux alentours… Une proposition en réalité fictive, dont le but était d’engager un dialogue entre les habitants sur la question de l’hospitalité. La supercherie, possible grâce à la complicité de quelques résidents, devait être révélée après le débat public.
Mais, lors de la crise migratoire de 2015, le jeu est devenu réalité, avec la création, par l’ancien maire et une dizaine d’habitants, de l’association « La Bastida, terre d’accueil », ayant pour but de rendre la proposition concrète. Durant l’été 2016, une première famille a été accueillie. « Hospitalités » raconte le déroulement de cette envie d’aider.
Les neuf protagonistes, huit habitants de La Bastide-Clairence, accompagnés du performer – seul intervenant à jouer un rôle fictif –, entrent tour à tour. Ils commencent à raconter leur histoire et celle du village : leur enfance, leur métier, leurs parents, leurs enfants, ainsi que la manière dont ils ont une fois été étrangés, différents et réfugiés.
Le public est ensuite sollicité, en devant voter le choix de la première chanson qui sera interprétée : ce sera un chant traditionnel basque. Les paroles prennent le relai, avant une démonstration de danse traditionnelle.
Un rapide dialogue commence entre les différents intervenants : l’accueil concret d’une famille dans le village. Et là, un des particpants se lève et crie son opposition au projet. Puis, ils avancent tous avant de s’asseoir sur des chaises noires, alignées sur le devant de la scène. Les phrases de rejet et de refus fusent, violentes. La cacophonie dure pendant plusieurs minutes. On se sent agressé, attaqué, rejeté.
Puis, le silence. Les lumières se rallument un peu. Le public est alors invité à poser ses questions. D’abord timide, la discussion commence petit à petit. Les spectateurs semblent de plus en plus curieux. Au bout de quelques minutes, la alboka, instrument traditionnel basque, sonne la fin de l’interaction.
Plus axée sur la définition et les enjeux de l’hospitalité, la deuxième partie de la performance utilise des récits populaires, ou des extraits de la mythologie, des textes philosophes, et de l’histoire, pour poursuivre le questionnement.
Le public est debout, c’est une standing ovation. Les applaudissement ne tarrissent pas. Le pari est largement réussi. Non seulement parce que la sincérité et l’authenticité des témoignages poussent à la réflexion, mais parce qu’une initiative citoyenne comme celle-ci est une force considérable, et sûrement une des clés à la résolution de la crise à laquelle les gouvernements ne trouvent pas de solution. Une action au départ artistique, puis citoyenne, qui nous rappelle à tous l’importance de l’art dans la société contemporaine, dont l’un des rôles est, ne l’oublions pas, de poser les bonnes questions.
Hospitalités, de Massimo Furlan.
Chants et arrangements vocaux : Kristof Hiriart.
Scène
Givrée, la programmation d’Antigel 2019
Genève n’est jamais la même après l’annonce de la programmation d’Antigel, le festival du décloisonnement artistique depuis 2011. Ses programmateurs viennent de dévoiler son line-up qu’ils qualifient de « kaléidoscopique » avec pour mot d’ordre : « Shake Genève ».
Pour marquer son 10e anniversaire au coeur de l’hiver genevois, Antigel réserve une surprise de taille, le 22 juillet 2019 au Victoria Hall, à mi-chemin, jour pour jour, entre les deux éditions : la venue exceptionnelle du all-stars band The Good, the Bad and the Queen. Ce supergroupe mené avec brio par Damon Albarn (de Gorillaz et Blur) abrite également les musiciens de The Clash, The Verve et Fela Kuti.
Une affiche musicale renversante
Sur les versants musicaux encore, l’événement accroche à son line-up l’impétueuse Brigitte Fontaine et sa poésie dissidente, en concert à l’Alhambra, comme L’Or du Commun, qui se fera le porte-parole de la nouvelle scène rap belge. L’Alhambra, point névralgique du festival, accueillera également le rock céleste des Américains de Low ou encore la folk de « notre » star (inter)nationale, Sophie Hunger.
Ailleurs, au Chat Noir, à l’Usine ou à l’Abri sont attendus les dandys de Feu! Chatterton, le solitaire Brendan Perry et sa new wave, la soul d’Odette, le rock turc d’Altin Gün ainsi que les, désormais, monuments rap genevois Di-Meh, Slimka, Makala et compagnie pour célébrer la première décennie de leur label Colors Records.
Dans les églises, les fermes, les piscines et les plages (oui, oui), infinité d’autres artistes sont attendus. À l’image de la folk de Kristin Hersh et Old Sea Brigade, la psyché rock des Viagra Boys, le blues de J.S. Ondara, ou la country-soul d’Odetta Hartman.
Les arts vivants ne seront pas en reste
On entend déjà les trois coups. À Antigel, la musique n’est pas seule. Ses (pas si) lointains cousins, Danse et Théâtre, sont également chéris par les programmateurs de l’événement genevois. Pour exemple : la troupe helvétique Philippe Saire et sa production audacieuse, « Hocus Pocus », présentée sur la scène du Théâtre de Bordeaux de Saint-Genis-Pouilly (France).
Côté « théâtre dynamité », au Théâtre du Grütli, la compagnie Motus, avec « MDLSX » (pour Middlesex) nous contera des récits autobiographiques et citations littéraires, traversés par les musiques des Smiths, Buddy Holly ou Stromae ; un électrisant manifeste queer.
Enfin, pêle-mêle, les rendez-vous sont pris avec la Brésilienne Lia Rodrigues et ses danseurs, l’objet artistique non identifié, mélange fouillé de sons et d’images, Dear Ribaine, l’invitation au voyage de Yves-Noël Genod, ou la rencontre avec les 11 artistes résidants de l’Abri de Genève, Rodeo Banquise.
L’Afrique du Sud à l’honneur
Cette année signe la fin de l’aventure Grand central dans la Tour CFF, avant la destruction de celle-ci. Il fallait, alors, pléthore de DJs à la hauteur pour terminer en beauté. L’ouverture s’annonce chaleureuse avec deux stars de la house sud-africaine, Lakuti et Esa.
Un pays qui sera d’ailleurs mis à l’honneur lors d’une autre soirée intitulée « South Africa X Geneva one love ». « L’occasion de créer un pont entre la scène électro queer sud-africaine et genevoise et de mettre en avant des artistes qui transforment la société ici et là-bas », expliquent les organisateurs.
Infos, billetterie et line-up complet sur www.antigel.ch.
Le 9e Antigel se déroulera du 1er au 23 février 2019, dans divers lieux.
Scène
Le M3, enfin sur les rails… dans la nouvelle revue du Théâtre Boulimie
Il faudra attendre encore quelques années avant l’ouverture officielle du troisième métro lausannois, le M3. Mais pas de panique ! L’humoriste romand Blaise Bersinger et ses acolytes comédiens s’occupent de vous transporter dans les confins de l’actualité lausannoise et suisse en attendant, dans leur nouvelle revue, présentée au Théâtre Boulimie.
M3 – La nouvelle revue de Lausanne, un remake de la revue de Genève qui décortique l’actualité genevoise et suisse depuis plus de 120 ans ? Pas tellement. Après avoir été stand-upper à la dite revue en 2017, le co-animateur télé de Mauvaise Langue, Blaise Bersinger a découvert le monde de la revue de l’intérieur. Et c’est avec Sébastien Corthésy – producteur de spectacles, de contenus audiovisuels et metteur en scène – que l’idée d’importer ce concept à Lausanne, en le concoctant à leur sauce, est né.
« Moins vulgaire, moins raciste, moins xénophobe, moins cul : moins femmes avec des paillettes à moitié à poil et plus 2018 ». En d’autres termes, Blaise souhaite remettre au goût du jour ce genre théâtral satirique qui associe sketchs, musique et danse, à commencer par le choix du titre : « On ne voulait pas appeler ça juste la revue de Lausanne parce qu’on voulait se démarquer de l’image a priori qui existe par rapport aux revues. On est dans un truc nouveau, moderne et en même temps typiquement lausannois », explique-t-il. Cette revue d’un nouveau genre, écrite et réalisée par Blaise Bersinger, Benjamin Décosterd et Sébastien Corthésy, en collaboration avec les autres comédiens, a été jouée pour la première fois vendredi passé, au Théâtre Boulimie, à Lausanne.
Bien que certaines ambitions aient dû être revues à la baisse pour des raisons budgétaires – notamment la possibilité d’avoir un groupe de musique live à chaque représentation – les financements privés ont permis au spectacle de voir le jour en gardant effets sonores, lumineux et musique originale. On constate également que quelques changements ont été apporté entre les premiers filages et l’avant-première. En effet, le public est part intégrante du spectacle, qui va donc connaitre des modifications, au fil des représentations, et jusqu’à sa fin.
Traiter d’actualité par le biais de l’humour, avec des sketchs sur le deal de rue ou sur « No Billag », une façon de dénoncer des faits en douce ? « Je prends pas les choses dans cet ordre-là. J’aime faire rigoler les gens, c’est le but premier, et l’actualité se renouvelle constamment donc c’est plus facile, à mon sens, d’écrire dessus. Alors oui, ce que je trouve risible apparait dans le sketch et tu te fais rapidement une idée de mon opinion, mais le but n’est pas de rallier les gens à ma cause », raconte Blaise Bersinger.
Entre les sketchs sur les dix ans du M2, le match en coupe du monde Suisse-Serbie – qui a fini en polémique – ou les inondations de Lausanne, impossible pour les spectateurs de ne pas se sentir suisses mais surtout lausannois. Durant une heure et demie, les musiques créées exclusivement pour la revue, ainsi que les chorégraphies et effets visuels, embarquent les spectateurs dans un univers où la bonne humeur est au rendez-vous, peu importe les sujets traités.
Après un an de travail d’arrache-pied et de sueur, le spectacle s’installe du 2 novembre au 8 décembre 2018 au Théâtre Boulimie. Angoissé à l’idée que les billets ne se vendent pas, Blaise me confie qu’il se rend de temps à autres sur la billetterie afin de voir la quantité de places encore disponibles et en est, « pour l’instant », rassuré…
Informations et billetterie sur le site du Théâtre Boulimie.